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Danielle Jacquart et FRANCOISE MICHEAU, La médecine arabe et l'Occident médiéval, ISLAM - OCCIDENT, 7, Paris, Maisonneuve et Larose, 1990

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Danielle Jacquart et FRANCOISE MICHEAU, La médecine arabe et l'Occident médiéval, ISLAM - OCCIDENT, 7, Paris, Maisonneuve et Larose, 1990
Assimilation par les Arabes de la médecine alexandrine. Les traductions du grec en arabe furent une véritable affaire d'Etat pour les califes. Dès le IXe siècle, les savants de Bagdad ont à leur disposition l'essentiel du savoir grec (Galien, Hippocrate et Rufus d'Ephèse)et hellénistique: héritage énorme, déformé et incomplet. Le monde latin fera une grande place à 2 grands médecins arabes: Mésué (v. 777-857) et Hunain ibn Ishaq (= Johannitius, mort en 877). L'apogée sera l'époque d'ar-Razi (né v. 865), Haly Abbas (= al-Magusi) et Avicenne (980-1037).. A Rome la médecine était une profession d'esclave. Peu d'ouvrages écrits en latin classique. La langue médicale de l'Antiquité était le grec. La médecine grecque se diffusa en Occident par Ravenne. L'introduction de la médecine arabe en Occident ne se fit ni furtivement ni ponctuellement, mais d'emblée par la mise en latin d'une série de textes dont certains constituent de vastes synthèses. Elle se fit dans un milieu culturellement favorable, grâce à l'actiondu salernitain Constantin l'Africain (+ v. 1087). Dans ses traductions Constantin ne rend en latin que des extraits du texte original, sans qu'il soit possible de déterminer s'il opère lui-même la sélection ou s'il suit des abrégés arabes. L'Ecole de salerne diffusera ses traductions en Occident, mais le rayonnement de salerne s'estompera à partir du XIIIe s. - Antidotaire de Nicolas, Trotula -.. A Tolède, Gérard de Crémone traduit le canon d'Avicenne et fait connaître Rhazés, Albucasis et sérapion. Nombreux contacts et échanges de livres entre Tolède et Bagdad. La prise de Tolède en 1085 par les troupes d'Alphonse VI est un épisode décisif de l'introduction de la pensée scientifique arabe en Europe chrétienne. Par rapport à celles de Constantin l'Africain, les traductions de Gérard de Crémone supposent de la part du lecteur un niveau plus avancé: ce ne sont plus des initiations, mais de véritables exposés techniques. Avec Gérard, le vocabulaire médical latin s'arabise.. L'enseignement et surtout l'ambiance dans les universités vont servir de caisse de résonance aux traductions de textes scientifiques. L'enseignement médical est attesté à Montpellier dès 1137, à Paris en 1213. Rôle de Petrus Hispanus, de Pietro d'Abano. A Montpellier, l'entrée des traductions du XIIe s. dans l'enseignement universitaire devint officielle en 1309. Le Colliget d'Averroès joua un rôle stimulateur, en substituant à la distinction entre théorie et pratique (où chaque branche est une science reliée à la philosophie naturelle), une distinction entre une approche spéculative qui concerne les causes de la santé et de la maladie et une approche expérimentale tournée vers la pratique et qui ne peut être qualifiée de science puisqu'elle s'attache au particulier et non au général. D'où: Taddeo Alderotti et ses successeurs prirent l'habitude de rédiger des relations de cas particuliers, réels ou fictifs: les Consilia ou Experimenta. . Au tournant des XIIIe et XIVe siècles, Arnaud de Villeneuve (né dans le bas Aragon à Villanueva de Jiloca, près de Daroca), médecin des rois d'Aragon et de 3 papes successifs (Boniface VIII, Benoît XI et Clément V), formé à Montpellier, est arabisant, auteur de traductions (vers 1282-1285 à Barcelone) et l'un des rares maîtres à avoir porté des jugements d'ensemble sur les médecins arabes; il sillona les mers pour remplir des missions politiques et pour propager ses idées religieuses, proches de l'hétérodoxie joachimite; il mourut en mer en 1311. La base de son enseignement, à Montpellierdepuis environ 1288, est le galénisme, avec son application sophistiquée de la théorie des complexions. Grand admirateur de Rhazès, Arnaud critique à plusieurs reprise et avec violence Avicenne et surtout ceux qui le suivent aveuglément, et il rejette, dans les Aphorismes sur les degrés, la plupart des propositions d'Averroès en matière de pharmacologie.. XIV et XVe s.: création d'universités nouvelles en France, en Italie, en Espagne, dans le Saint Empire, et développement de l'enseignement médical. En 1412, Amplonius Ratinck de Berka légua sa riche bibliothèque (dont 101 vol. de médecine) au collège qu'il avait fondé à Erfurt. Développement de l'université de Padoue (à partir des années 1350), qui deviendra au XVIe s. le symbole de la modernité avec l'enseignement de Galilée et le point de départ, sous l'impulsion d'André Vésale (prof. de 1537 à 1544), du renouveau de l'anatomie. Alors qu'on ne traduit plus de nouveaux textes arabes (après 1300), les versions de XIe et XIIe s. font l'objet de commentaires renouvelés (le Canon d'Avicenne prenant une place envahissante et devenant un instrument pédagogique indispensable): le texte d'Avicenne, dont on ne commente généralement qu'une partie (en raison de sa longueur !), sert alors de support pour introduire les questions scolastiques fondamentales, confronter les opinions des autorités sur des sujets spécifiques et rendre compte d'observations tirées de la pratique quotidienne (sommet de l'érudition: Jacques Despars, mort en 1458). . Appréciées pour leur valuer pédagogique au sein des universités, les oeuvres arabes furent aussi considérées comme des guides irremplaçables pour la pratique quotidienne, pour la mise en oeuvre du traitement. Traduction au XIIIe s. du Continens de Rhazès et du Theisir d'Avenzoar: les médecins y recherchaient la relation d'expériences cliniques. Rôle du dominicain Gilles de Portugal qui, au milieu du XIIIe s., traduisit à Santarem la 'Maqala de Rhazès. Les dernières traductions de l'arabe faites au XIIIe s. complétèrent les bibliothèque soccidentales en matière de pharmacopée: le Tacuinum sanitatis (mis en latin sous le règne de Manfred de Hohenstaufen: 1254-1266) est traduit d'Ibn Butlan, le Liber aggregatus in medicinis simplicibus d'Ibn Sarabiyun, le Liber servitoris (28e livre du Tasrif) d'Albucasis. . Dans l'Occident latin, la première réglementation du métier d'apothicaire fut édictée par l'empereur Frédéric II en 1231. Lectures conseillées aux apothicaires. Le pseudo-Sérapion (un compilation élaborée au XIIIe s.) constitua la source principale des Pandecte medicine, sorte de dictionnaire de matière médicale composé en 1317 par Matthaeus Sylvaticus, médecin du roi Robert de Sicile. Pour trouver son chemin dans l'abondance de la littérature sur la pharmacopée, les Synonymes ou Clé de la guérison de Simon de Gênes deviennent un complément indispensable. Importance des épices et du commerce avec l'Orient. . Frontière chronologique: le mouvement des traductions qui se place surtout aux XIe-XIIe s. interdit à l'Occident de connaître les textes arabes plus tardifs (la dernière grande oeuvre venue d'au-delà de la Méditerranée est le Canon d'Avicenne; les milieux universitaires s'intéressèrent encore aux médecins de Cordoue: Avenzoar mort en 1162 et Averroès mort en 1198; mais le transfert s'arrêta là). La science arabe n'est pas morte pour autant (cas des médecins de Saladin: le musulman Ibn al-Mutran, qui avait la passion des livres, et le juif Ibn Gumai). L'Occident ignora la grande compilation méthodique et critique de pharmacopée d'Ibn al-Baitar (mort à Damas en 1248). Certains auteurs arabes ont été négligés par leurs contemporains et successeurs arabes eux-mêmes (Al-Tabari, à Bagdad, à une époque où s'affrontent autour des califes deux systèmes scientifiques différents: le grec et l'indien. Al-Biruni, pourtant contemporain et compatriote d'Ibn Sîna). Enfin, les contacts intellectuels entre le monde arabe et le monde latin se sont noués dans les lieux fraîchement arrachés à la domination musulmane, aux marges de la chrétienté (par les voies italienne et espagnole); l'Orient latin, issu de la première croisade, ne joua qu'un rôle mineur dans cette transmission. . Les hôpitaux musulmans: le premier hôpital du monde islamique fut créé à Bagdad à l'époque d'Harûn ar-Rasid (786-809), puis au Caire, puis au XIe s. dans d'autres cités importantes, l'essor des fondations d'hôpitaux datant du XIIe s. L'existence d'hôpitaux dans toutes les cités de quelque importance fut propre aux régions de mouvance turque et ne peut être séparée , à la même époque et dans les mêmes régions, de la mise en place des collèges appelés madrasas. Le Maghreb ne connut pas d'hôpital avant 1190 (à Marrakech), l'Espagne avant 1365 (à Grenade). Les ouvrages médicauxarabes auxquels l'Occidentchrétien a eu accès ne font guère allusion à la pratique hospitalière: aucune influence textuelle n'a pu jouer en la matière.Il n'y a pas de modèle d'hôpital transportable d'un monde à l'autre (...) L'hôpital médiéval et son évolution sont liés à la croissance urbaine, à l'augmentation des ressources matérielles, à l'évolution de la profession médicale, à l'expression d'une spiritualité. Dans ce contexte, la notion d'un établissement destiné exclusivement aux malades et desservi par un personnel spécialisé a lentement émergé. . Aucun rôle de la religion dans le choix des textes traduits de l'arabe. L'assimilation du galénisme par les cultures monothéistes du Moyen Age s'était jouée à l'époque hellénistique ; sur ce fonds commun se développa une science médicale où les clivages confessionnels n'avaient pas d'impact. Les Latins l'ont accueillie sans avoir à repérer, selon l'appartenance religieuse des auteurs, des distinctions qui n'avaient pas de signification dans l'ordre du savoir. La sélection est guidée par le souci de donner à ses contemporains les références scientifiques que les bribes d'héritage antique transmises par le Haut Moyen Age ne leur avaient pas fournies. C.R. : DEMAITRE (Kuke). BULL HIST MEDICINE, 1992, t. 66, p. 148-149, L'ouvrage précise les 2 voies de contact: l'italienne (Constantin l'Africain) et l'espagnole (grâce à Gérard de Crémone); il manque un glossaire des noms propres latin-arabe. Médiévales 22-23, 1992, 244-249/ Laurioux (Bruno) : résumé élogieuxMots-clés :Medecine//Traduction//Sources arabes//Canon: Avicenne//Avicenne: Canon//Medecine sources grecques//Antidotaire nicolas//Aphorismes medicaux//Sources byzantines//Albucasis//Sources grecques medievales//Sources latines medievales//Sources grecques antiques//Traduction//Medecine sources latines médiévales//Arnaud de villeneuve//Jacques despars//Thème maladie//Thème Hôpital//Theme médecin//Materia medica//Theme epices//
+ -Sujets traités
5 œuvres traitées
> Anonyme | Antidotaire Nicolas | Maistre Nicolas par la prière de ses deciples practiciens escrit cest livre
> Anonyme | Chirurgie d'Albucasis | O vos tres chiers fils je vos ai acomplit cest livre qui est li derriens de la science de medicine ensamble l'emplissement de lui
> Anonyme | Recette médicale | Ceste chose que siwyt dit Avicenne. Les choses qe confortent le nerfs, come dit Avicenne, sont achorus et castois et greyn de poyvons, especialment quant ils sont grant et gros, et cervele de levere roste
> Jacques Despars | Traité contre la peste | Pour se preserver de pestilence on se doit garder de toutes choses qui eschaufent le sanc
> Jacques Despars | Régime des enfants de rois et princes jusqu'à VI ans | Et premiers l'enfant doibt estre en chambre dont les fenestres soient verroriens...
1 intervenant traité
Arnaud de Villeneuve
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  • Littérature scientifique
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